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Usine, entrepôt et quartier général, tout y passe... sauf son bureau, resté intact malgré les meubles de bois et les rouges à lèvres riches en cires. «Un miracle inexplicable,» dit la PDG qui, dès lors, traînera toujours avec elle une image de Mère Marie-Rose, censée la protéger d'autres incendies.
Débâcle
Mais pour l'instant, l'heure n'est pas au mysticisme. Lise Watier doit repartir à zéro. Tout rebâtir et tout reconstruire. Durant trois ans, son entreprise va donc se retrouver en péril. «En 1992, j'étais dans la dèche, avoue-t-elle, les banquiers étaient à mes trousses.»
Tombe la neige
Un matin, elle s'éveille pourtant avec une idée fixe : il lui faut commercialiser le parfum inédit qu'elle porte depuis 1990.
Ce floral blanc avait été développé avec la collaboration de l'International Flavors et Fragrances (IFF). Partout où j'allais, il me valait une pluie de compliments.
Premiers frissons
La femme d'affaires n'en est pas à se premiers essais en parfumerie fine. Elle a déjà proposé Andrade (du nom de ses premières noces avec Guillermo Andrade), Ivresse et Harmonies (inspiré de ses études de piano et d'orgue).
En ces années d'embâcles (ses produits ont été retirés d'Arabie saoudite suite à la Guerre du Golfe), le moment semble toutefois mal choisi pour explorer de nouvelles avenues.
L'hiver de force
Malgré tout, Lise Watier s'entête. Pourquoi? Ce n'est pas très clair ni très rationnel...
De surcroît, le nom qu'elle souhaite (Neiges) n'enthousiaste personne. Quoi, un parfum Neiges alors que les Québécois détestent la froidure et maudissent l'hiver? Même ses deux filles et son mari ne sont pas très chauds à cette idée.
Des pas dans la neige
En Scorpion têtue, Lise Watier n'en démord pas. Dans sa tête, elle revoit le balcon de son enfance au deuxième étage où, petite, elle s'émerveillait de voir tomber la neige sur le quartier Hochelaga-Maisonneuve.
C'est décidé, Neiges s'appellera Neiges... et avec un s en plus, en hommage aux neiges immortelles.
Giboulée
Le nom choisi, il reste à organiser le lancement. Désargentée, la patronne peut tout au plus investir 25 000 $ dans l'opération, «un montant dérisoire» comparé aux autres géants cosmétiques (Dior, Lauder, etc.) qui disposent de millions.
Qu'importe, Neiges est lancé en 1993, au cours d'une modeste soirée tenue sur une patinoire, rue La Gauchetière, à Montréal. On y célèbre en buvant un punch lacté (plutôt que du champagne), gracieuseté des Producteurs de lait du Québec.
Voilà, c'est fait, ça passe ou ça casse. Signe du Ciel, le soir du lancement tombe toutefois la toute première neige de cet hiver-là...
Blizzard
Et de nouveau, tout comme le bureau ayant jadis résisté aux flammes, le miracle va se produire. Trois semaines plus tard, c'est la ruée. «Les gens faisaient la file pour se procurer un flacon», se souvient Lise Watier, encore émue. Il y a rupture d'inventaire et on va même voir des hommes, affolés, supplier aux comptoirs. Un Noël sans Neiges? Leur conjointe ne leur pardonnerait jamais...
Rafale
L'entreprise de Lise Watier est sauvée. Mieux, Neiges est demeuré le parfum le plus vendu au Québec depuis son lancement, il y a de cela vingt ans. Au Canada, il s'est hissé au quatrième rang des fragrances fines les plus demandées.
Grésil
Ce «bébé» de Madame aura même droit à de douteux honneurs. En 2005 et en 2008, des versions contrefaites obligent la compagnie à loger des poursuites de deux millions et à faire saisir les articles de contrebande de piètre qualité. Neiges et Chanel, même cauchemar? Incroyable mais vrai!
Glaces parfumées
Neiges fera cependant débouler de plus jolies tempêtes, notamment plusieurs éditions limitées (Folies de Neiges, Frisson de neiges, Neiges bleues, etc.).
Par la suite, la firme lancera plusieurs autres parfums (Vertige, Capteur de rêves, Désirable, Vent du Sud et, tout récemment, Something Sweet). Aucun d'entre eux n'aura toutefois le succès historique de Neiges, jailli des flammes d'un incendie.
«Cadeau du Ciel» il y a vingt ans, Neiges confirma que la marque dont on avait déjà dit qu'elle avait «le génie des couleurs» avait aussi celui des odeurs. Alors, respect et... Bonne fête!
Par Micheline Lortie.
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